mardi 31 janvier 2023

Le soufflet...

 Une gifle assénée à sa femme par un homme politique connu, a récemment occupé le devant de l’actualité politique française. Un soufflet donné au XVIIIe siècle est resté célèbre, mais il est littéraire : celui appliqué sur la joue de Julie par son père dans La Nouvelle Héloïse de J-J Rousseau : "À l'instant, mon père, qui crut sentir un reproche à travers ces mots, et dont la fureur n'attendait qu'un prétexte, s'élança sur ta pauvre amie : pour la première fois de ma vie je reçus un soufflet…" (Lettre LXIII de Julie à Claire).

Le but d’un soufflet a toujours été de punir ou d’humilier. Au XVIIIe siècle, on disait proverbialement "Donner un soufflet à Ronsard (ou à Vaugelas)", pour dire, faire une faute grossière contre la grammaire française.

"Le soufflet". Gravure de 1774 de Noel Le Mire (Rouen 1724, Paris 1801). Illustration pour La Nouvelle Héloïse de J-J Rousseau.

mercredi 25 janvier 2023

À la chandelle...

Godfried Schalcken (1643-1706) est un portraitiste hollandais spécialiste du clair-obscur. Ses toiles me font penser à une autre illustre représentant du genre, du XVIIe celui-ci, le Lorrain Georges de la Tour (1693-1652). Les toiles de Schalcken ont le mérite de nous rappeler la pauvreté des éclairages au XVIIIe siècle, même si certains films et séries en costume n’hésitent pas à illuminer les soirées a giorno… Se souvient-on que la bougie est une ancienne mesure de l’intensité lumineuse ? Il en fallait beaucoup, des bougies, pour éclairer comme une seule de nos ampoules modernes !
Au XVIIIe siècle, on soupait (le souper était le repas du soir ; à midi, on dînait) aux chandelles, du moins chez ceux qui en avaient les moyens. La veillée se passait de même, parfois à la seule lumière de la cheminée si on se contentait de la conversation. Souvent, dans les grandes maisons, des chandeliers étaient posés sur une petite table, et chacun en prenait un pour pouvoir regagner sa chambre. La semi-obscurité des salons était source de connivences, de confidences, la complice des amoureux, de ceux qui l’étaient ou aspiraient à le devenir…

Les vierges folles et les vierges sages (Louvre) est un bon exemple du style de Schalcken. Nicolas de Launay (1739–1792) en tirera en 1792 une belle gravure.


 


 

jeudi 19 janvier 2023

Watteau encore ! Séquence humour...

"Pierrot" (longtemps appelé "Gilles") est un tableau attribué à Antoine Watteau peint en 1718-1719. L’œuvre se trouve actuellement au Louvre. Cette toile de format monumental (184 cm de haut et 149 cm de large) pose bien des questions, en particulier du fait que le célébrissime personnage de la Comedia del Arte soit légèrement décentré. On connaît à présent la réponse : les spécialistes ont découvert la trace d’un châssis vertical à l’arrière du personnage, preuve que la toile a été coupée sur un côté lors d’un changement de châssis.

On ne sait rien des circonstances dans lesquelles Watteau a réalisé cette œuvre, qui a marqué l’Histoire de l’art. Marqué ? Vraiment ? En quel sens ? me demanderez-vous. En ce sens, vous répondrai-je, que plus de deux siècles plus tard, des portraits photographiques remarquables seront inspirés directement par cette œuvre de Watteau. J’en veux pour preuve le cliché, datant des années 1950 et figurant dans une collection privée, de ce charmant bambin : tout, dans son costume comme dans sa pose, évoque le génie du maître des Fêtes Galantes, même si son bonnet pointu est bien plus élégant que cette toque de cuisinier un peu ridicule dont Watteau a coiffé son Pierrot à lui.

L’identité du petit garçon de la photo reste un mystère pour les historiens d’art. On sait seulement de lui que très tôt dans sa vie, il fut saisi par la funeste manie d’écrire des romans.

 

 


 


 

 




 


jeudi 12 janvier 2023

Faux pas...

"Le faux pas", par Antoine Watteau. Huile sur toile réalisée en 1716-18. Musée du Louvre.

Cette toile est remarquable par la tension psychologique palpable qu’elle traduit, montrant la résistance pudique de la femme face au désir violent de l’homme. Mais l’historienne de l’art allemande Eva-Gesine Baur fait remarquer que si de sa main droite la femme s’oppose à son séducteur, les lignes de la nuque et du dos tendent vers l’autre direction… Mais nul n'est à l'abri d'un faux pas, n'est-ce pas ? 

 

 


 

"Tu conviendras que si quelque femme est excusable de penser faux, à vingt ans en matière de galanterie et de volupté, c’est sans contredit celle qui, née, comme moi, avec le germe des passions lascives…"

(Passage extrait de "Le doctorat impromptu" par Andréa de Nerciat, 1788).

 

"Nous sommes nés tous de ces passe-temps,

C’est des humains l’origine première…"

(Voltaire).

 

"Le bruit est pour le fat, la plainte pour le sot :

L’honnête homme trompé s’éloigne, et ne dit mot…"

(Philippe Quinault 1635-1688).

 


 

jeudi 5 janvier 2023

Turquerie...

La Sublime Porte exerçait une fascination certaine sur les Européens du XVIIIe siècle, même si traiter quelqu’un de Turc signifiait qu’il était sans pitié, ou très têtu ("ce qu’il peut être Turc, sur cet article-là !"). Le mode de vie de la cour de Constantinople, les harem et les hammam, la polygamie, tout cela titillait… Le célèbre peintre suisse Jean-Etienne Liotard, qui avait séjourné à Constantinople, admirait la richesse des costumes. Il s’était laissé pousser la barbe et s’habillait à la mode ottomane, si bien qu’on le surnommait Liotard-le-Turc !

Le Français Jean-Antoine Guer (1713-1771) avait publié en 1746 un ouvrage qui rencontra un vif succès, intitulé Mœurs et usage des Turcs, leur religion, leur gouvernement civil, militaire et politique avec un abrégé de l’histoire ottomane. Mais Gruer faisait beaucoup de choses en même temps - ce qui lui attirait des moqueries -, si bien que nombre d’informations sont assez fantaisistes. Voici un court extrait :
"Lorsqu'un Turc devient amoureux d'une femme turque, il tâche de la voir soit sur la terrasse de la maison, soit aux fenêtres ; il hausse la tête en la regardant, et prend la peau de son gosier, pour lui apprendre par ce signal qu'il est son esclave. Si l'ayant aperçu, la Dame se tient debout et baisse la main, le Turc espère de faire fortune, et dans cette espérance cherche avec empressement quelque lieu propre pour la joindre… ". Chaque société a ses codes, et bien malin l’étranger qui devinerait le sens de celui-ci !

Plutôt que les toiles archi-connues de Liotard, je préfère partager cette belle huile sur toile de Natale Schiavoni, Odalisque (Museo Civico Revoltella, Trieste). Je la trouve quant à moi magnifique !


À l'horizon...

Les trois premiers romans de votre serviteur publiés par O barra O Edizioni ayant bien marché tant sur le net qu'en librairie, l'...