lundi 6 mai 2024

Entremetteuse...

"Dès lors, le vieux chambellan se livrait sans contrainte à ses goûts libidineux. Il était si connu de toutes les prostituées et procureuses de Paris que la Gentil, proxénète, lui écrivait (sans date) le billet suivant, conservé aux Archives de la Bastille :

Monsieur,

Pardon sy jose espérer que vous escuserés la liberté que je prend davoir l’honneur de vous escrire sans avoir celluy de vous connoistre assé particulièrement.

Mais j’espère que vous ne me sauray pas mauvais gré de vous donner avis que je connois une jeune pucelle qui est une blonde des plus parfaite en beauté et en douceur. Elle apartiens à père et mère de famille, mais que la dureté du tems a réduit dans le besoin et resoudes à consentir que leur fille ait un amant de condition qui puisse faire du bien à cette petitte innocente, de crainte que la misère ne la réduisent à se prostituer. Comme jé l’honneur de vous connoistre de réputation, jé pencé qu’il ny avoit pas de seigneur d’une plus judicieuse generosité et qui méritas mieux cette déférance que vous, Monsieur, et je me flatte que vous ne me voudrés pas de mal du choix que je fais de vostre illustre personne, et vous offrant toute preuve à l’égard de la petite fille comme je vous acusent ; elle n’a pas treize ans, mais elle est formée comme une fille de dix-huit ans, ayant les plus charmantes dispositions du monde ; chachant que vous êtes plus délicats connoisseur des partisants de ce siècle du beau sexe, j’ay l’honneur d’être respectueusement, Monsieur, vostre très humble et très zélée servante.

JEANTIL

Ma demeure est rue Mazarine, aux armes de France, chez un carossier, au premier au fond de la cour."

 

Extrait de Paris galant au dix-huitième siècle, par Robert-Charles Yve-Plessis. 1906. Chez PLESSIS, LIBRAIRE, 23, rue de Châteaudun, Paris.

 

Illustration : L’entremetteuse, d’Angelo Caroselli, MUDO-Musée de l’Oise. Le tableau date du XVIIe siècle, mais comme ce métier est vieux comme le monde…

 



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