samedi 3 juin 2023

L'innocence violée

Ovide rapporte dans ses Métamorphoses (VI, 110-111), comment Jupiter, s’étant transformé en satyre, surprit la nymphe Antiope, fille du roi thébain Nicteus ; de cette rencontre naquirent les jumeaux Amphion et Zéthos.

Cette histoire, qui oppose la laide sauvagerie dun satyre à la beauté fragile et paisible d’une nymphe, avait naturellement de quoi enchanter les peintres, qui ne se prièrent pas de la représenter depuis la Renaissance ; par exemple, Van Dyk, Hendrick Goltzius ou Le Titien. Les artistes du XVIIIe siècle firent bien entendu un grand usage du sujet. Parmi les toiles les plus célèbres figurent celles de Watteau (vers 1715-16, Musée du Louvre), de Van Loo (1752, Musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg), Bénigne Gagneraux (1756-1795) conservée à Rome à la Galerie Borghèse. J’ajouterai David (1771, Musée de Sens). Tous montrent la même scène, le satyre découvrant la nymphe Antiope endormie.

Dans les quatre représentations ci-dessous, le satyre (Jupiter) exprime sa surprise en découvrant la beauté de la nymphe. Bénigne Gagneraux a jugé bon d’ajouter un Cupidon à la scène, alors que, franchement, l’amour n’a pas grand-chose à faire ici.

Sur chaque toile, Antiope est montrée nue, comme il sied à une nymphe, une nudité juste atténuée par un mince voile de pudeur. Seul Watteau ne lui accorde pas ce voile minimal, accentuant ainsi le caractère vulnérable de la jeune femme. Dormant sur le côté, tournée vers le spectateur du tableau, l’Antiope de Watteau ne peut voir le monstre penché sur elle. La tête enfouie dans son coude, elle tient ses jambes fléchies, protégeant une intimité que le prédateur va dans un instant souiller. L’éclairage de la toile fait irradier le corps d’Antiope, qui apparait comme suspendue dans ce décor sombre et dramatique. Le génial Watteau nous donne à voir une image terrible et intemporelle de l’innocence violée.

 





 

 

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