Les Fêtes vénitiennes est une l’huile sur toile d’Antoine
Watteau de 1719. L’œuvre est conservée à la National Gallery d’Édimbourg.
Pour que la fête soit complète, Watteau a peuplé le tableau
de ses amis :
Au premier plan, un couple face à face danse le menuet. L’homme
au chapeau noir à gauche, en habit de comédien italien, est Nicolas Vleughels
(1668-1737), ami proche de Watteau, un peintre célèbre qui passa une bonne
partie de sa vie en Italie (Rome, Venise, Modène...).
La danseuse au centre, en belle robe nacrée, est l'actrice
Christine Charlotte Desmares, maîtresse du duc Philippe d’Orleans ; ils
eurent ensemble une fille, Angélique de Froissy (1700-1785), légitimée en 1722
par le duc devenu Régent (il mourra l’année suivante). Angélique épousa un
comte de Ségur ; elle est l’arrière-arrière-grand-mère de la comtesse de
Ségur (1799-1874).
Parmi les personnages derrière le couple, dont beaucoup sont
occupés à flirter, Watteau s’est représenté lui-même, à droite en habit bleu
clair, assis et jouant de la cornemuse (ou musette), à l’époque un instrument à
forte connotation sexuelle. Une statue au déhanchement suggestif domine la
fontaine en fond. Les rehauts clairs de son corps renvoient à la robe de Christine
Charlotte Desmares et à d’autres personnages, dans un subtil travail de
lumières, de matières et de couleurs. Pour une belle fête, c’était une belle
fête…
Attardons-nous un instant sur Christine Charlotte Desmares, dite
la Desmares. Née à Copenhague en 1682, elle mourut en 1753. Cette comédienne, que
l’on surnommait affectueusement Lolotte, était la nièce et l’élève de la
Champmeslé, célèbre tragédienne du XVIIe siècle, amante de Racine et merveilleuse
interprète de ses tragédies. Lolotte avait donc de qui tenir ! Elle finira
sa vie en compagnie d’un banquier suisse. La "Folie Desmares", petit
château de Châtillon que lui offrit le banquier et où elle habita, existe
toujours. Je joins son portrait, dans une belle robe de théâtre, par Jean-Baptiste
Santerre (1651-1717). L’œuvre (collection privée) est intitulée "la jeune
femme au billet doux", mais les experts sont formels : c’est elle,
c’est bien Lolotte…