Il faut bien reconnaître que Junon, déesse guerrière et matrone épanouie, n’est pas la plus sexy des beautés de l’Olympe. Jupiter, son mari (qui est aussi son frère), est un cavaleur qui ne lui accorde guère l’attention qu’elle mérite. Pour le séduire, la malheureuse Junon en est réduite à demander à Vénus de lui prêter sa ceinture magique, qui donne à la femme qui la porte un pouvoir de séduction irrésistible. L’histoire est rapportée par Homère dans l’Iliade :
"Donne-moi ce charme amoureux (demande Junon), cet attrait qui te soumet tous les immortels et les hommes mortels…" Vénus, au gracieux sourire, lui répond : "Il n’est ni possible ni convenable que je rejette ta demande, car tu dors dans les bras du tout-puissant Jupiter." À ces mots, elle détache de son sein sa ceinture brodée, d’un merveilleux travail ; toutes les séductions s’y trouvaient réunies, et l’amour, et le désir, et le doux entretien qui charme et dérobe le cœur même des plus sages.."
Notons au passage que la symbolique de la ceinture était très importante dans l’Antiquité. Les jeunes romaines portaient, bas sur les hanches, une ceinture appelée zona (tiens, tiens…), que le mari dénouait le soir des noces. Zonam solvere, dénouer sa ceinture, signifiait pour une fille perdre sa virginité.
Mais revenons-en à Junon. La scène de la ceinture de Vénus a souvent été représentée par les peintres du XVIIIe siècle ; mais d’une manière générale, ils n’étaient guère attirés par les charmes de Junon, pourtant "la déesse aux grands yeux". Une telle inégalité de traitement choqua Frédéric-Auguste 1er de Saxe. En 1778, celui-ci s’était fait aménager un parc à l’anglaise (la nouvelle mode) au château de Pillnitz, sa résidence d’été proche de Dresde. Il y avait fait construire un « pavillon anglais », dominé par une vaste chambre depuis laquelle, afin de réparer l’injustice faite à Junon, il pouvait à loisir en contempler la statue, qu’il avait spécialement fait ériger.
Ce pavillon anglais était équipé d’un lit à 3 places, ce qui laisse les historiens perplexes (on se demande bien pourquoi tant l’explication paraît évidente). Cela prouve que Junon, injustement négligée, est capable, même sans la ceinture de Vénus, de susciter des idées très frivoles dans l’esprit des hommes !
Illustrations :
- Junon empruntant la ceinture de Venus, par Élisabeth Vigée-Lebrun, 1781. Collection privée.
- Pavillon anglais et buste de Junon dans le parc de Pillnitz (photos de l’auteur).
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