Les notes des Inspecteurs de M. de Sartine (qui amusaient fort Louis XV) ont cela de fascinant qu’elles permettent de suivre sur plusieurs années les destinées de ces actrices célèbres du XVIIIe siècle, qui, pour reprendre les mots des frères Goncourt, "vivantes, sont le scandale d’un siècle, et mortes, en sont le sourire ".
Je me suis amusé à suivre les aventures de la demoiselle Pouponne, danseuse à l’Opéra, au nom si charmant.
Elle apparait comme ayant les faveurs de M. de Vougny, mousquetaire gris, fort riche, qui « a quitté la demoiselle Dubois l’aînée, actrice aux Comédiens-Français, qu’il avait enlevée au comte de Sarsalle. "Il est amoureux fol de la demoiselle Pouponne, danseuse à l’Opéra, et lui fait les propositions les plus avantageuses pour l’engager à renoncer à M. de Brancas, qui est présentement à l’armée ; mais jusqu’à ce jour il n’a rien gagné. Elle (…) a même menacé sa tante, avec laquelle elle demeure et qui la sollicite sans cesse en faveur de M. de Vougny, de se séparer d’avec elle et d’en écrire à M. de Brancas. Tant de sentiments dans une jeune personne étaient inconnus jusqu’alors à l’Opéra."
Mais cette belle fidélité ne dure pas :
"La demoiselle Pouponne, qui jusqu’à ce jour avait résisté avec tant de fermeté à toutes les attaques qui lui avaient été portées, pour manquer à M. de Brancas, a enfin cédé au torrent. C’est aujourd’hui M. de Vougny qui jouit de ses jeunes appas. (…) M. de Vougny paraît enivré de son bonheur, tandis que la demoiselle Dubois, de la Comédie-Française, qu’il entretenait auparavant, se désole de l’avoir perdu. "
Mais l’infidèle est punie :
"M. de Vougny se conduit assez mal avec la demoiselle Pouponne, qu’il a enfin subjuguée par ses cadeaux et par ses promesses encore plus brillantes. Ce monsieur ne se presse pas d’en effectuer aucune ; aussi Pouponne lui a-t-elle refusé absolument sa porte et lui a juré qu’il ne mettrait pas les pieds chez elle, qu’il n’eût accompli de lui donner tout ce qu’il lui a promis. "
Après différents épisodes, Mlle Pouponne revient au duc de Brancas :
"La demoiselle Pouponne est allé s’installer pour tout l’été à la maison de campagne de M. le duc de Brancas. Elle ne viendra à Paris que les jours de spectacle ; elle s’est fait faire de très jolis habits d’homme, et c’est dans ces vêtements qu’elle doit passer tout l’été. M. de Brancas en est toujours fort amoureux ".
Enfin, last but not least :
"La demoiselle Pouponne est accouchée mardi dernier, certainement des faits de M. de Brancas. Mais ce qu’il y a d’extraordinaire dans cette couche, c’est que cette demoiselle a porté son enfant onze mois (…). Depuis plus de huit mois, on lui faisait prendre les breuvages les plus forts. Il est étonnant qu’elle n’ait point avorté. Tant d’obscurité dans la science de ces messieurs est bien étrange."
Notons enfin que la célèbre compositrice Germaine Taillefer (1892-1983), membre du Groupe des six (avec Poulenc, Honegger, Durey, Darius Milhaud), a composé en 12955 un opéra-bouffe, "La fille d’Opéra", dont l’intrigue se situe à Paris, sous le règne de Louis XV. Et qui en est l’Héroïne ? La jeune Pouponne, qui mène joyeuse vie, et dont un riche amant épongera les dettes et fera d’elle la reine de l’opéra.
Délicieuse demoiselle Pouponne…
Illustration : Louis Léon de Brancas-Villars, 1733-1824, par Carmontelle. Outre deux filles légitimes, il eut 4 enfants de sa principale maîtresse, la célèbre actrice Sophie Arnould.
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