vendredi 3 novembre 2023

La belle Hébé...


On avait au XVIIIe siècle le goût du portrait historié. Il est courant pour les jeunes femmes de l’aristocratie de se faire représenter en élément (eau, Terre, feu) ou en déesses - Vénus, Diane, Cérès, Pomone… et autres personnages antiques - Nymphe, Vestale, etc. Beaucoup choisirent de se faire portraiturer en  Hébé, la déesse grecque personnifiant la jeunesse, la vitalité et la vigueur ; à Rome, on appelait cette déesse Juventas. Ce choix présentait l’avantage pour le sujet de se montrer vêtu d’une robe blanche légère à l’antique, voir avec un sein découvert, sans contrevenir à la morale. D’ordinaire, le peintre ajoutait une coupe, puisqu’Hébé servait le nectar aux dieux, plus quelques fleurs, et parfois un aigle dans le ciel. Des artistes tels que Hyacinthe Rigaud, François Hubert Drouais, Nattier, Pierre Gober, Élisabeth Vigée Le Brun, etc. nous ont laissé de tels portraits en Hébé de femmes de leurs temps. Cette mode, commune aux styles Rococo, néo-classique, et "grande maniera" de Nicolas Poussin, perdurera au XIXe siècle.

Dans ses Réflexions sur quelques causes de l’État présent de la peinture en France (1747), Étienne La Font de Saint-Yenne décrit l’essor du phénomène en l’expliquant par son effet flatteur sur la représentation des jeunes et jolies femmes. En clair, bien des femmes qui ne sont plus d’une certaine jeunesse, trouvent là le moyen de se rajeunir et de se faire admirer… et le peintre de se faire grassement payer en reconnaissance !

Illustration : Jean-Marc Nattier, Charlotte-Louise de Rohan-Guéménée en Hébé, 1738, huile sur toile, 125 × 97 cm, Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon. Tous les attributs de Hébé sont là : la coupe de nectar, l’aigle, les fleurs dans la chevelure. La robe découvre plus qu’elle ne couvre la poitrine, soulignée par cette rivière de perles qui attire le regard vers son sein. Le titre exact de l’œuvre est Charlotte-Louise de Rohan-Guéménée, princesse de Masseran et marquise de Crèvecoeur. Dite Mademoiselle de Rohan, elle naquit en 1722, fille d'Hercule II Mériadec de Rohan-Guémené et de Louise de Rohan. Elle avait donc 16 ans lorsqu’elle posa pour Nattier. En 1737, à 19 ans, Charlotte-Louise épousa Victor-Amédée-Philippe Ferrero Fieschi, Prince de Masserano, ambassadeur d'Espagne à Londres (c’était un Italien naturalisé espagnol). Ce titre de marquise de Crèvecœur que portait la belle Charlotte-Louise lui allait comme un gant, ou comme une robe d’Hébé : son mariage a dû être un crève-cœur pour bien des soupirants…

 


 


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