vendredi 15 novembre 2024

Confidence pour confidence…

"Le commencement de ma vie a été un tissu d’horreurs ; mais quoi qu’il en coute à mon amour propre, je te dois confidence pour confidence, leçon pour leçon. Écoute donc, ma chère Thérèse, le récit de mes aventures, en t’instruisant des caprices des hommes qu’il est bon que tu connaisses, pour continuer aussi à te confirmer qu’en effet le vice et la vertu dépendent du tempérament et de l’éducation…"

(Boyer d’Argens, Thérèse Philosophe, 1748.)

 

"…Mais conviens aussi que la bonne femme était peu prudente avec nous ; qu'elle nous faisait sans nécessité les confidences les plus indiscrètes ; qu'elle nous entretenait sans cesse des maximes de la galanterie, des aventures de sa jeunesse, du manège des amants ; et que, pour nous garantir des pièges des hommes, si elle ne nous apprenait pas à leur en tendre, elle nous instruisait au moins de mille choses que des jeunes filles se passeraient bien de savoir."

(J-J. Rousseau, La Nouvelle Héloïse, 1761).

 

"Il fut un temps, sous Louis XV, où les espions étaient si multipliés, qu'il était défendu à des amis qui se réunissaient ensemble, d'épancher mutuellement leurs cœurs sur des intérêts qui les affectaient vivement. L'inquisition ministérielle avait mis ses sentinelles à la porte de toutes les salles, & des écouteurs dans tous les cabinets ; on punissait, comme des complots dangereux, des confidences naïves, faites par des amis à des amis, & destinées à mourir dans le lieu même qui les avait reçues."

(Louis Sébastien Mercier, Tableau de Paris, 1782.)

 

Illustration : François Boucher, Les deux Confidentes (détail) 1750, National Gallery Washington.



dimanche 10 novembre 2024

"Avec un si grand ragoût..."

"L’escole des filles, ou la philosophie des dames", écrit en 1665 par un anonyme, passe pour le premier roman érotique de la littérature française. Il s’agit d’une sorte de texte initiatique aux choses de l’amour et du sexe, au travers de deux dialogues entre deux filles, la délurée Susanne et sa cousine Fanchon. Chaque stade est soigneusement numéroté, ce qui permet au lecteur, ou à la lectrice d’aller immédiatement à l’expérience qu’elle souhaite approfondir. Soucieux d’éviter le pire, je me contenterai de rapporter ce que Susanne dit du baiser :

"Voici comment il arrive quelquefois que le garçon et la fille sont seuls dans une chambre ou dans un jardin, il n'importe point où, et s'entretiennent de choses indifférentes, le plus souvent ils ne pensent, point à se faire bien aises ni à se donner du plaisir, à cause de quelque autre souci qu'ils auraient en tête, et le garçon voudrait seulement baiser une fois la fille avant de s'en aller, comme par manière d'acquit. La fille qui est faite à cela, si tôt qu'elle sent la bouche du garçon contre la sienne, vient à pousser petit à petit sa langue en pointe dedans, et la fait frétiller contre ses lèvres, avec un si grand ragoût que cela met en humeur le garçon, qui la prie de recommencer..."

 

 Illustration : Le baiser, par Jean Honore Fragonard (1732-1806). Collection privée.


 

 

mercredi 6 novembre 2024

Trompe l'œil...

Gaspard Gresly est un peintre franc-comtois né à l’Isle-sur-le -Doubs en 1712 et décédé à Besançon en 1756. À côté de scènes de genre, montrant la vie quotidienne, les petits métiers et les marchands, il s’était fait une spécialité : le trompe-l’œil. Proche du comte de Caylus (très célèbre antiquaire et collectionneur de son temps), il reçut de nombreuses commandes d’amateurs d’art parisiens.

Ses trompe-l’œil sont souvent construits de façon identique : des estampes, lettres, etc., collées à la cire rouge sur des planches de sapin. Certaines sont à plusieurs niveaux de lecture, parfois même de véritables rébus…

Trois exemples :

-               Trompe-l’œil avec le portrait du chirurgien Le Cat, (collection particulière, vers 1752), avec le quatrain :

"Tu goutes les douceurs d’une étude féconde

Minerve t’enrichit de ses dons précieux,

Et ta main aux fléaux qui ravagent le monde

Oppose les secours d’un art ingénieux."

-               Trompe-l’œil avec l’Almanach du solitaire pour l’année 1739, une bourse et deux autres gravures.

-               Trompe-l’œil avec une boîte demi-ouverte et le portrait d’une femme écrivant une lettre.

 




 


mercredi 30 octobre 2024

Marie-Anne-Henriette de Payan de l’Estang.

Dans la série des femmes de lettres du XVIIIe siècle bien oubliées, voici Marie-Anne-Henriette de Payan de l’Estang, épouse Ribière (ou Ribère) d’Antremont (marquise d'Antremont), puis de Bourdic, puis Viot. Elle était née à Dresde en 1746, de parents peu fortunés originaires du Dauphiné. Elle est décédée au château de la Ramiere, près de Bagnols (Gard), en 1802.

Elle fut mariée à l’âge de 12 ans – oui, vous avez bien lu, 12 ans ! - au marquis de Ribère-d'Antremont. Il la laissa veuve à seize ans. Elle se remaria avec le baron de Bourdic, major de la ville de Nîmes, après la mort duquel elle épousa M. Viot, commissaire des relations extérieures à Barcelone.

Madame de Bourdic-Viot, qui connaissait le latin, l'allemand, l'anglais et l'italien, ainsi que la musique, fut une femme de lettres très estimée en son temps, en relation épistolaire avec des personnalités aussi célèbres que Voltaire, qui l’encouragea, Thomas Jefferson, Saint-Just ou Benjamin Franklin.

Elle était connue pour son esprit que son amabilité, et ses poèmes ont été beaucoup publiés dans l’Almanach des Muses, une revue poétique fondée en 1765 par Sautreau de Marsy (1740-1815, journaliste et homme de lettres). Cette revue, souvent critiquée pour son côté éclectique (certaine mauvaises langues la surnommaient l’almanach des buses !) connut un succès considérable jusqu’à sa disparition en 1820.

Voici un extrait de son Épitre à ma Muse :

"(…)Je reste dans ma solitude ;

J'y trouve ma tranquillité ;

Un sort exempt d'inquiétude

Vaut mieux que la célébrité.

L'ombre s'accroît, et le silence

Descend de la voûte des cieux ;

Le jour fuit, et la nuit commence.

Règne avec elle dans ces lieux,

Sommeil ; aux loisirs studieux

Fais succéder la nonchalance

Et le repos voluptueux.

Tu m'entends... déjà la paresse

Couronne mon front de pavots ;

En touffe de fleurs la mollesse

S'enveloppe dans mes rideaux,

Et, cédant au dieu qui la presse,

Tombe et s'endort sur mes pinceaux."

 

Illustration : École française du XVIIIe siècle – Euterpe, muse de la musique. Collection particulière.

 


 


samedi 26 octobre 2024

Un auteur qui monte !

Ne vous laissez pas enfumer par la comédie des prix littéraires ! Lisez les romans de Bernard Grandjean, l'AUTEUR QUI MONTE !

 


 

mercredi 23 octobre 2024

Table servie !

"Cependant, la princesse ayant achevé d'éplucher les oignons, on mit la table, et j'eus l'honneur d'être présent à son souper, qui consistait en un haricot aux navets pour entrée, une oie grasse pour rôt, accompagnée de sa salade, et pour entremets un cervelas de la rue Desbarres, avec deux plats de dessert, composés d'un demi-quarteron de poires de Martin-sec et d'un morceau de fromage de Brie, exhalant une odeur tout à fait semblable à celle dont Henri IV faisait si grand cas."

(Extrait de Le canapé couleur de feu : histoire galante, par Fougeret de Montbron, 1714.)

 

Illustration : Pierre Antoine Fraichot, Table servie au fromage et aux fraises, milieu du XVIIIe siècle, huile sur toile, 74 x 97,2 cm. Besançon, musée des Beaux-Arts et d’Archéologie.

 


 

jeudi 17 octobre 2024

Marianne Loir

Une artiste un peu oubliée : Marianne Loir.

Née à Paris le 10 décembre 1705 dans une famille comptant de nombreux artistes et artisans d’art. Elle y mourra le 11 mai 1783 et est inhumée le lendemain en l’église Saint-Roch, lieu de sépulture de nombreux artistes de l'époque.

Suivant son frère à Rome, où il est pensionnaire de l’Académie de France ; elle se forme alors auprès de Jean-François de Troy (1679-1752), qui en est le directeur.

Sa spécialité sera le portrait à l’huile ou aux pastels, et devient la grande spécialiste des portraits de la noblesse de province. On lui doit en particulier celui de la Marquise du Châtelet (1706-1749), femme de lettres éminente, célèbre pour sa longue liaison avec Voltaire.

L’image de Marianne Loir serait bien lisse si certaines indications ne venaient pas lui donner un peu de relief : il semble bien qu’elle fut initiée à l’ordre de la Culotte, fondé durant la Régence par l'épicurien fermier-général Saint-Amarand (un ordre dont j’ai parlé ici en mai dernier). Rien de très coquin, rassurez-vous, surtout du loufoque !

 Illustration : Marianne Loir, portrait d’un femme en Flore, collection privée.

 


 


Confidence pour confidence…

"Le commencement de ma vie a été un tissu d’horreurs ; mais quoi qu’il en coute à mon amour propre, je te dois confidence pour confiden...