vendredi 29 septembre 2023

Le curé poète

Extrait du Journal des Dames, année 1761 : Madrigal, de Monsieur Cottereau, Curé de Donnemarie en Montois, à Mme la duchesse de ***.

"Dussiez-vous me blâmer, et vous mettre en courroux !

Je dirai dans ces vers ce qu’on pense de vous.

Alexandre en Asie a causé moins d’alarme,

Alcide est moins fameux par ses nobles travaux,

La fidèle Artémise a versé moins de larmes

Faustine et Marausie avaient moins des défauts

Que vous n’avez d’esprit, de vertu et de charmes"

Illustration : la toilette de Madame Geoffrin par Nicolas Lancret (collection privée). Pendant que Marie-Thérèse Rodet Geoffrin (1699-1777), célèbre salonnière, se repoudre et se pose une mouche, un ecclésiastique style abbé de cour lui lit un billet ; s’agirait-il d’un poème de sa composition, débordant de louanges cuistres et sucrées ? On imagine parfaitement le curé Cottereau, de Donnemarie en Montois, dans ce rôle auprès de la duchesse de *** ; ou, plus certainement, c’est lui qui s’imaginait dans un tel rôle !

Notons enfin que Donnemarie en Montois est une petite commune de Seine-et-Marne, qui porte aujourd’hui le nom de Donnemarie-Dontilly, et compte 2700 habitants. Il est clair qu’en 1761, on devait s’y ennuyer ferme…

 


 

 


Nue dans la jungle...

"Elle savait qu’elle était au bout, qu’elle était allée au-delà de ses forces… Qui pourrait sortir vivant d’une aventure pareille ? songea-t-elle. Quel animal viendra y mettre fin : un rhinocéros, un tigre, un éléphant ou un cobra ?"
Extrait de Tigres et Châtiments (Éditions du 38).
Illustration : gravure sur bois de John Buckland-Wright (1936)

https://www.amazon.fr/Tigres-ch%C3%A2timents-Himalaya-Bernard-Grandjean-ebook/dp/B089V69QXF

 


 


 

 

dimanche 24 septembre 2023

À tout péché miséricorde...

Mes chers amis, et si nous parlions de vos péchés ?
Peccavi : "Terme latin dont on se sert pour signifier l'aveu qu'un pécheur fait de sa faute devant Dieu, & le regret qu'il en a. (…) Il ne se dit guère que d'un pécheur qui ne se repent qu'à l'extrémité : Il ne faut qu'un bon peccavi" (Dictionnaire de l'Académie française. Quatrième Édition, 1762)
"Marie-Anne (Deschamps), maudissant ses égarements, détestant ses péchés, pleurait son peccavi avec des élans de sincérité si vraie, que sa confession générale édifiait le curé sur la contrition de cette âme, déjà véritablement placée dans le ciel." (Extrait de La Deschamps, fille d’opéra, vendeuse d’amour, de Capon et Yve-Plessis, 1906).
La danseuse Marie-Madeleine Guimard (encore elle, j’en ai déjà plusieurs fois parlé !), autre fille d’opéra non moins pécheresse que la Deschamps, cloua un jour le bec à la chanteuse Sophie Arnould, redoutée pour ses bons mots. Celle-ci lui reprochait de "commettre sept fois par jour les sept péchés capitaux". "À nous deux, cela fait le double", répondit-elle.
Pour celles et ceux qui ont raté le catéchisme, les sept péchés capitaux sont pour l’Église catholique, l'orgueil, l'avarice, l'envie, la colère, la luxure, la paresse et la gourmandise. Plusieurs de ces péchés étaient particulièrement en vogue au XVIIIe siècle…
Illustrations :
- La confession, vers 1750, Pietro Falca, dit Pietro Longhi, Venise 1701-1785. Galerie des Offices, Florence.
Longhi est très connu pour son fameux rhinocéros. Ses gravures satiriques et ses peintures de la société furent très populaires. Sur cette toile, on ne peut que remarquer l’expression peut-être moqueuse du visage de la noble dame au milieu des pauvres devant le confessionnal. Un petit péché d’orgueil juste avant le peccavi ?
- J’aime bien ce lavis naïf de 1779 de Pietro Antonio Novelli, montrant la pénitente encore enchaînée au diable, et l’absout s’éloignant en compagnie d’un ange… (Non, ce qu’il tient entre ses mains n’est pas un téléphone portable).
 


 

 

mardi 19 septembre 2023

Devinette !

Voici doucement revenir l’automne et ses longues soirées… Au XVIIIe siècle, elles étaient encore plus longues (sauf pour qui devait se lever tôt). On se divertissait grâce à la musique, aux jeux de cartes et autres jeux de société, parmi lesquels les devinettes. Le Journal des Dames en proposait une chaque mois, envoyée par ses lecteurs, avec solution le mois suivant. Voici l’énigme d’avril 1761, l’occasion de nous mesurer à nos ancêtres :

"Je suis ronde et fort délicate,
Sans bouger je m’étends au loin,
Et l’on me conserve avec soin :
De ce bienfait je ne suis point ingrate,
Car je veille pour toi, lecteur, à chaque instant,
Et je sers l’amour en jouant."
 
Je n’aurai pas la cruauté de vous laisser attendre le mois prochain pour connaitre la réponse ; la voici : la prunelle !
Illustration : Flora, par Rosalba Carriera, Musée des Offices.
 
 

 

jeudi 14 septembre 2023

Charades...

Les peintres du XVIIIe siècle parsemaient leurs toiles d’indices riches de sens, jusqu’à en faire de véritables charades : ainsi la cruche, intacte ou cassée (on devine l’idée), la canne et la mandoline symbolisant respectivement virilité et féminité, la cage du petit oiseau, parfois vide, parfois occupée, etc. Chaque détail, chaque geste, concours à nous faire saisir une situation, les intentions et les sentiments des personnages.

Ainsi, cette toile de Jean-Baptiste Greuze (1725-1805), "jeune fille pleurant son oiseau mort". Diderot, qui fit la critique de ce tableau présenté au salon de 1765, ne s’y laissa pas prendre : Le sujet de ce petit poème est si fin, que beaucoup de personnes ne l’ont pas entendu ; ils ont cru que cette jeune fille ne pleurait que son serin… Ne pensez-vous pas qu’il y aurait autant de bêtise à attribuer les pleurs de la jeune fille de ce Salon à la perte d’un oiseau, que la mélancolie de la jeune fille du Salon précédent à son miroir cassé ? Cet enfant pleure autre chose, vous dis-je.

Autre exemple, cette toile de Fragonard, la cage, vers 1760, (The Norton Simon Foundation, Pasadena) : "Le berger présente entre ses mains une blanche et fidèle colombe, qui aspire à rejoindre le nid brandi haut par la jeune bergère. De l’autre main, celle-ci tient discrètement la corde qui déclenche le piège à oiseaux situé en contrebas : manière de signaler que, si la colombe n’est pas fidèle, des remplaçants sont faciles à trouver".

(Ce commentaire est du Professeur Jacques Bousquet, archéologue, professeur d’Histoire de l’art, qui était passé maître en ces interprétations).

 

 

 
 
 
 


 

 

vendredi 8 septembre 2023

Corisande...

D’une Corisande à l’autre…
Ce magnifique pastel sur papier d’Elisabeth Vigée Le Brun, réalisé à la toute fin du XVIIIe siècle, ou au tout début du XIXe, représente Corisande de Gramont, Comtesse de Tankerville. Corisande Armandine Léonie Sophie de Gramont (1782-1865) épousa en effet en 1806 Charles Augustus, 5e comte de Tankerville. Vigée-Lebrun nous montre le joli visage d’une séduisante jeune femme, brune aux yeux bleu-vert, élégamment vêtue à la grecque.
La maison de Gramont compte plusieurs femmes, parfois célèbres, portant le prénom bien oublié de Corisande :
Par exemple cette Corisande de Gramont, dite "Corise", née le 8 août 1880 et morte le 5 mars 1977, aristocrate française issue d’un milieu très proustien.
Citons également Diane d'Andoins (ou d'Andouins), 1554-1620, maîtresse du roi Henri IV, surnommée la belle Corisande. Fiancée à l’âge de 12 ans, puis épouse de Philibert de Gramont (1552-1580), sénéchal de Béarn, comte de Gramont et de Guiche, vicomte d'Aster.
Il est vrai que dans ce cas, ce prénom était un emprunt : passionnée de romans de chevalerie, et c'est dans "Amadis de Gaule" que la très belle et très cultivée Diane trouva une héroïne à laquelle elle s'identifia au point d’adopter son nom !
 

 

 

lundi 4 septembre 2023

Un curieux flacon de parfum...

"N’as-tu jamais vu de ces flacons en forme de colombe ? Le parfum est enfermé à l’intérieur, et il faut casser le bec ou la queue pour l’utiliser…"
Extrait de "Alauda, l’alouette qui faisait danser les ours", polar gallo-romain publié aux Éditions du 38. Ce roman est disponible (papier et numérique) sur le site de l’éditeur, sur tous les sites marchands. Il peut être commandé dans toutes les bonnes librairies.

https://www.amazon.fr/Alauda-Lalouette-faisait-danser-ours-ebook/dp/B0C7L9H6QN

 


Flacon en verre en forme d’oiseau, fin IIe siècle début IIIe apr. J.-C., Orléans. Photo INRAP.

 

Mittenwald

Carte postale d'été - Maison peinte de 1732 à Mittenwald (Bavière). Cette ville à la frontière du Tyrol présente de nombreuses maisons anciennes décorées de fresques à thème généralement religieux ; elle est aussi l'une des capitales de la lutherie en Europe.

 


 

 

La rêveuse.

"M. de *** sentit une joie extrême en me voyant. Il me prit gaiement dans ses bras, m'appuyant un gros baiser, badina un peu lourde...