lundi 30 octobre 2023

Les heures...

Cette période de l’année nous invite à réfléchir sur le temps ; la Toussaint et le Jour des Morts nous y incite encore davantage que le passage à l’heure d’hiver…

"Je me plaignais déjà de la faiblesse de son amour avant qu'il eût fait ses preuves, et cela par la seule raison que, de mon côté je l'aimais follement. Onze heures sonnèrent à ma pendule ... et il ne venait pas... une horloge de je ne sais où répéta la même heure quelques minutes après..."

(Extrait des Souvenirs de Mlle Duthé, de l'Opéra (1748-1830), par Étienne-Léon de Lamothe-Langon, 1786-1864).

Au cours du XVIIIe siècle, le rapport au temps change, ne serait-ce qu’à cause de la diffusion des montres dans la population. De même, la rapidité des transports augmente ; grâce à l’amélioration technique des voitures et d’une meilleure organisation, on se déplace plus rapidement d’une ville à l’autre. Bientôt, le Romantisme placera le temps, et donc la mort, au cœur de la réflexion poétique.

Vers 1765, un ensemble de tableaux représentant les parties de la journée avait été commandé à Anton Raphael Mengs, peintre néoclassique allemand (1728-1779), pour servir de dessus de portes dans le boudoir de Marie-Louise de Bourbon-Parme (1751-1819).

La nuit est représentée par Diane, le matin par Aurora, le midi par Phébus et le soir par Hesperus (la planète Vénus). Ils sont conservés au Palacio de La Moncloa, à Madrid.

 





 

 


jeudi 26 octobre 2023

Alauda s'embarque...

"Une fois l’embarcation amarrée aux poteaux de chênes, un groupe d’esclaves entreprend de charger la dizaine de caisses et de sacs, ainsi que les lourdes poutres équarries qui attendent sur le quai ; une opération effectuée sous l’œil vigilant du patron, soucieux du bon équilibrage de son embarcation. Alauda serre sa palla autour de sa tête et monte en dernier, avec un balluchon pour tout bagage. On lui ordonne de s’asseoir à l’avant, à un endroit où elle ne gênera pas les manœuvres… "

Le roman, en version brochée ou numérique, est à retrouver ici : 

https://www.editionsdu38.com/historique/503-alauda-l-alouette-qui-faisait-danser-les-ours.html

ou là :

 https://www.amazon.fr/Alauda-Lalouette-faisait-danser-ours-ebook/dp/B0C7L9H6QN

 Illustration: détail de la colonne trajane, Rome.

 



De dos...

 

"Ce que nous trouvons moral chez nous ne sera - t- il pas jugé immoral aux antipodes ? De quel ridicule n'accablerez-vous pas le Chinois qui osera taxer d'impudique l'usage dans lequel nous sommes de conduire nos femmes et nos filles le dos et les seins nus dans nos réunions mondaines ?"

(Le Sopha, conte moral, par Crébillon fils, 1740)

Illustration : Jean-Baptiste Greuze (1725-1805) "Jeune fille vue de dos" (c. 1770-1780, huile sur toile). Musée Fabre, Montpellier.

 


 

lundi 23 octobre 2023

L'embarras de Perrette

Ce poème, intitulé "l'embarras de Perrette", extrait de « Le fond du sac », recueil de contes galants en vers des XVIIe et XVIIIe siècles, nous offre une version très grivoise de l’histoire de Perrette. La morale n’y trouve certes pas son compte, mais du moins Perrette sauve-t-elle son pot à lait !

"Perrette, sur un coussinet,

Dans un chemin glissant portait son pot au lait.

Chaque main, à chaque anse, alors fait son office.

Perrette est un morceau qui plait fort à Lucas :

De loin il l’aperçoit, sourit, double le pas,

L’atteint. Lucas n’est pas novice ;

Il profite de l’embarras,

Et de prime abord, entre en lice.

Le voilà cramponné ! Vainement chaque bras

Tour à tour de la citadelle

S’occupe à chasser l’ennemi :

Il tient bon. Dieu ! Quel choc ! Le pot au lait chancelle !

D’aplomb, Perrette : Bien ! Le vase est raffermi ;

Tout est bâclé, l’affaire est à son terme…

Perrette, d’un air satisfait,

Dit : J’ai bien fait de tenir ferme ;

Il n’a pas renversé mon lait." 

 

 
  La laitière, par Jean-Baptiste Huet, Musée Cognacg-Jay.


mercredi 18 octobre 2023

Le bel Endymion...

La mythologie nous a transmis plusieurs versions du mythe d’Endymion, mais elles sont toutes d’accord sur un point : le jeune homme était très beau. Les peintres du XVIIIe siècle en ont fait grand usage.

L’une des versions antiques du mythe rapporte que le berger Endymion était si beau que la déesse Séléné (la forme lunaire de Diane) en tomba follement amoureuse. Mais la jeunesse de Diane était éternelle, et le berger n’était qu’un simple mortel. Aussi demanda-t-elle à Zeus son père de conférer à Endymion une éternelle jeunesse. Zeus accepta ; mais, en dieu cruel, aidé par Hypnos, il plongea le beau jeune homme dans un sommeil éternel au cours duquel il ne vieillirait pas… C’est cette version qu’illustre la toile de Francesco Trevisani (1656–1746) ; on y voit Diane, drapée de rouge, baiser le front de son amant endormi.

Une autre version du mythe affirme qu’Endymion avait offensé Junon, qui le plongea en punition dans un sommeil de trente ans, pendant lesquelles il ne vieillirait pas. Mais Diane le découvre et succombe à sa beauté, allant même jusqu’à lui sacrifier sa virginité. Dans le sombre tableau de Girodet (1793 - Musée du Louvre), Diane n’apparaît que sous sa forme lunaire (Séléné), un rayon de lune qui se pose sur le corps d’Endymion.

Une troisième version du mythe est illustrée par une toile de Fragonard, peinte vers 1753-56, conservée par la National Gallery of Art de Washington. On y voit Diane, drapée de bleu sur un fond bleuté de croissant de lune, endormir elle-même le bel Endymion pour l’éternité ; un moyen radical pour que le trop beau jeune homme n’aille pas voir ailleurs ?

Quoi qu’il en soit, ces versions ont un point commun, le rêve fou de la jeunesse et de l’amour éternel. Pour certains, Endymion symbolise également l’espoir d’une vie après la mort. On comprend aisément pourquoi les mythes antiques ont la vie dure…

 




 


vendredi 13 octobre 2023

Escarpolette (suite)

Comme cela était relevé dans une publication récente, l’escarpolette était au XVIIIe siècle une distraction très prisée. Mais on aurait tort de négliger sa cousine rustique, la balançoire, "pièce de bois mise en équilibre sur quelque chose d'élevé, & sur laquelle on se balance par les deux bouts." (Le Dictionnaire de l'Académie française. Quatrième Édition, 1762).
Comme l’escarpolette, la balançoire présente des risques, illustrés par les quatre peintures suivantes :
- Une toile de Boucher nous montre cinq putti en train de se balancer assis sur un tronc d’arbre. Il est à craindre que la rugosité de l’écorce n’écorche leur peau délicate... Malheureux enfants !
- La deuxième œuvre est un fixé sous verre anonyme, montrant quatre personnes – trois fillettes et un grand dadais - se balançant là encore sur un tronc d’arbre posé sur une grosse roche. À voir leurs mines inquiètes, on a envie de leur crier : descendez-moi de là avant l’accident ! On se demande vraiment à quoi pensent les deux adultes, placides et irresponsables, qui regardent la scène en souriant.
- La troisième peinture est de Fragonard ; elle montre également une balançoire assez rustique : d’un côté, une gamine rouge de plaisir, de l’autre un garçonnet et deux petits, dont l’un a l’air particulièrement coquin. La fille tente de se cramponner à une branche ; on sent que la chute est proche…
- La quatrième œuvre, de Pierre-Antoine Baudoin, montre l’accident en train d’arriver : la malheureuse jeune femme a basculé en arrière, dévoilant son intimité la plus intime (faut-il rappeler qu’au XVIIIe siècle, les femmes ne portent pas de culotte ?). Par chance, deux autres femmes interviennent, l’une en masquant de sa main ce que le jeune homme en face ne doit point voir, l'autre en bouchant de ses bras croisés la vue de ce même jeune homme. On peut bien sûr imaginer que Baudoin a peint cette toile, par chance très petite, sans malice aucune, mais en guise d’avertissement aux jeunes filles aimant trop se balancer…



 
 

 

lundi 9 octobre 2023

Vendanges...

Nous sommes en pleine saison des vendanges…

"Depuis un mois les chaleurs de l'automne apprêtaient d'heureuses vendanges ; les premières gelées en ont amené l'ouverture ; le pampre grillé, laissant la grappe à découvert (…) semble inviter les mortels à s'en emparer. Toutes les vignes chargées de ce fruit bienfaisant que le ciel offre aux infortunés pour leur faire oublier leur misère..."

Extrait de Jean-Jacques Rousseau, La Nouvelle Héloïse.

 

Ce portrait de Bacchante par Jacques Antoine Vallin nous montre une jeune fille aux cheveux et au vêtements de la même couleur que la grappe qui pend à son oreille ; toute sa personne évoque un grain de raisin bien mûr, doré à souhait…

 

 


 


mercredi 4 octobre 2023

L'escarpolette

L’escarpolette - Dictionnaire de l’Académie, 1762 : "Espèce de siège suspendu par des cordes, sur lequel on se met pour être poussé et repoussé dans l'air. On dit qu'Un homme a la tête à l'escarpolette, pour dire, qu'il est étourdi."
L’escarpolette est un sujet classique de la peinture au XVIIIe siècle. Les plus grands artistes s’y sont essayés, parfois plusieurs fois. Dans certains cas, la représentation est sage : l’œuvre se contente d’illustrer d’innocentes scènes d’été, par exemple Watteau, avec cette escarpolette de 1712, conservée à la Galerie Nationale de Finlande, ou Nicolas Lancret (1735, Victoria and Albert Museum). Dans les deux cas, un couple est représenté : madame se balance, et monsieur pousse, ou comme dans le second cas, tire sur une astucieuse cordelette qui évite d’avoir à poser les mains sur les hanches de la personne qui se balance.
Parfois, le jeu de l’escarpolette tient de la haute voltige. C’est le cas dans une toile de Hubert Robert de 1777, l’une des six peintes par l’artiste pour la salle de bain du comte d’Artois à Bagatelle. Dans l’allée d’un parc, une jeune fille se balance à une hauteur vertigineuse (on se demande comment elle a pu grimper là-haut), sous le regard admiratif de ses amies et d’un Hercule de pierre qui s’y connait en exploits sportifs. Même un chien paraît fasciné.
On pourrait multiplier les exemples, et les peintres, jusqu’à Goya inclus. Mais la plus célèbre toile du genre est bien entendu "Les hasards heureux de l’escarpolette", de Fragonard (1767, Wallace Collection de Londres).
Il semble qu’il s’agisse d’une commande passée par le baron de Saint-Julien. Celui-ci s’était d’abord adressé au peintre Doyen (1726-1806), qui venait de triompher au salon de 1766 avec une peinture religieuse. Doyen a laissé le récit de cette commande :
"Je désirerais […] que vous peignissiez Madame (en me montrant sa maîtresse) sur une escarpolette qu'un évêque mettrait en branle".
 Après que Doyen, offusqué, eut refusé, le baron de Saint-Julien s'adressa à Fragonard, qui le convainquit de renoncer à l’évêque par souci de sa carrière, et d’y substituer le mari cocu, tandis que l’amant (le baron de Saint-Julien, lui-même) serait aux premières loges pour contempler les jambes de la belle, voire plus… La toile est admirablement composée : le soleil tombe sur le rose de la robe et le blanc nuageux du jupon de la belle, lumineuse dans un écrin de verdure. Le tableau fourmille de détails symboliques, comme ce putto en haut à gauche qui fait signe à ceux d’en bas à droite de se taire ; car bien sûr, le mari béat ignore la présence de l’amant caché dans les buis, qui tombe à la renverse de saisissement devant le spectacle qui lui est offert… Mais le détail le plus charmant, c’est bien cet escarpin qui s’envole, libre comme le vent…
 




 

 

La rêveuse.

"M. de *** sentit une joie extrême en me voyant. Il me prit gaiement dans ses bras, m'appuyant un gros baiser, badina un peu lourde...