Marie-Antoinette-Joseph
Saucerotte, dite Françoise Raucourt (admirez l’astuce), fille née en 1756 d’un
piètre acteur de province, laissa tôt apparaître un talent théâtral tenant du
génie. À seize ans, elle débuta à la Comédie Française dans le rôle de Didon,
et sa présence sur scène faisait bondir le prix des billets au marché noir,
provocant de quasi-émeutes. Même Louis XV se déplaça au théâtre pour la voir
(en 1773).
Malgré la
longue liste de ses amants, il apparut que les préférences de ce petit génie
des planches allaient aux dames. Souvent habillée en homme, elle organisait
chez elle des soirées dont je ne vous dis que ça, avec de nombreuses
célébrités, dont l’incontournable Sophie Arnoult. On la soupçonna même d’avoir
créé une sorte de société secrète vouée au culte de Sapho, la secte des
Anandrynes. C’est du moins ce que raconta l’auteur libertin Pidansat de
Mairobert dans « L’espion anglais » ; une fable montée de toutes
pièces…
La littérature
libertine du XVIII siècle évoque souvent la figure de la tribade, comme on
disait à l’époque (du latin tribas, lui-même tiré du grec tribein
qui signifie « frotter »). Mais pour la plupart des auteurs, soit ces
amours conduisent à la folie, soit elles ne sont qu’un stade d’initiation au
plaisir sexuel qui plus tard s’épanouira avec un homme. Elles ne sont en fait
décrites que pour nourrir les fantasmes masculins. Moderne, le XVIIIe siècle,
mais avec quelques limites !
Napoléon
attribua une pension à Françoise Raucourt et lui confia un théâtre en Italie. Les
scandales créés par Mlle Raucourt ne cessèrent pas avec sa mort, en 1815 :
comme le curé refusait l’entrée de sa dépouille dans l’église Saint-Roch, une
manifestation réunissant 5 ou 6000 personnes l’y contraignit. Elle eut donc
droit à une célébration… À noter que son buste en marbre, signé du grand sculpteur néo-classique Jean-Jacques Flatters, qui
surmontait sa tombe au Père-Lachaise, fut volé en 2005. Serait-ce là le dernier
scandale la concernant ? Espérons que non !
Illustrations :
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Portrait
de Françoise de Raucourt par Sigmund Freudenberger (artiste suisse, 1745-1801).
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Gravure
« fantasmagorique » montrant l’examen d’une postulante à l’entrée de
la secte des Anandrynes. La jeune nymphe est soumise à l’examen de Mlle
Raucourt…