lundi 24 avril 2023

Opium...

La sultane fait partie des fantasmes récurrents des romanciers du XVIIIe siècle comme des peintres et, bien entendu, de leurs clients. On imaginait la sultane somptueuse, très belle et, disons, "fort galante".

La sultane est le titre du tableau ci-dessous de Jean-Baptiste Leprince (peint vers 1750-1780, 45 cm sur 73 cm, conservé à Paris au Musée Cognacq-Jay). Il montre une jeune femme allongée sur une couche, sur fond de décor de jardin. Elle ne porte pour vêtement que quelques jolis colliers de perles fines, qui se croisent entre ses seins et se perdent dans sa chevelure blonde. Le coude gauche appuyé sur les genoux d’un jeune homme, elle caresse un coq exotique vaguement inquiétant. Contre sa hanche, un chasse-mouche garni de plumes de paon.

Son compagnon, aux allures de Tartare de conte, porte de riches vêtements orientaux à liserés d’or et de fourrure. Il arbore sur sa poitrine un énorme cabochon. De son crâne partiellement rasé jaillissent des oasis de cheveux à reflets bleus. Sa main droite soutient un plateau et une carafe en verre cerclée d’or, au col double et torsadé. À côté de lui, un vase bleuté très ornementé et, au premier plan, ses armes, une épée d’or sertie de pierreries et un carquois en forme de lyre antique.

À quel genre de scène assistons-nous là ? Je n’ai pas trouvé de littérature à propos de ce tableau, mais pour moi, la situation est claire : Le geste d’invitation du bras gauche du jeune Tartare au sourire enjôleur, les récipients, la pipe que l’esclave prosterné tend vers la jeune femme, le visage inquiet et interrogateur de celle-ci, tout laisse penser que c’est à fumer sa première pipe d’opium qu’elle est invitée.

"Les Turcs prennent plaisir à s'enivrer d'opium", disait-on volontiers. Jean-Baptiste Leprince nous donne à voir l’instant fatal, l’hésitation d’un être soudain saisie par le vertige au seuil de la transgression. Va-t-elle accepter, ou refuser le vice mortel que lui propose ce démon tentateur ? Nous, on observe la scène, et par-delà le temps, on la sent si proche de nous, la petite sultane, qu’on en frissonne…

 


 


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