vendredi 28 avril 2023

La belle chocolatière.

"La belle chocolatière" est un pastel sur parchemin de Jean-Étienne Liotard, réalisé vers 1745, conservé à Dresde. C’est le plus célèbre pastel de cet artiste genevois. À tel point qu’aujourd’hui, on peut le trouver couramment sur des boîtes de chocolat ou comme enseigne de salon de thé ! À l’époque, Liotard travaillait pour la cour de Vienne ; la jeune fille qui avait posé pour lui était la fille d’un cocher ; elle s’appelait Anna Baldauf (Nandle pour les intimes) et avait 15 ans.

Le succès de ce pastel fut immédiat et considérable (des milliers de gravures ont été vendues). Cependant, tout le monde n’était pas admiratif de Liotard, en particulier Pierre-Jean Mariette (1694-1774), graveur, libraire et autorité en art :

"À Paris, on estima ses pastels (…) secs et faits avec peine. La couleur tirait presque toujours sur celle du pain d’épice. L’Académie de peinture, dans laquelle il aurait fort désiré être admis, lui fit sentir qu’elle n’y était pas disposée..."

Le comte Francesco Algarotti (1712-1764), vénitien, personnage important des Lumières (essayiste, poète, critique d’art et amant de Fréderic II), avait acheté le pastel à Liotard. Il fait part à ce même Mariette d’un avis fort différent sur l’œuvre :

"Cette peinture est presque sans ombre, dans un fond clair, et elle prend son jour de deux fenêtres dont l’image se réfléchit dans le verre. Elle est travaillée en demi-teinte, avec des dégradations de lumière insensibles, et d’un relief parfait. La nature qu’elle exprime n’est point maniérée ; et quoique peinture d’Europe, elle serait du goût des Chinois, ennemis jurés de l’ombre comme vous le savez. Quant au fini de l’ouvrage, pour tout dire en un mot, c’est un Holbein en pastel".

(Ces échanges sont tirés du "Journal de Rosalba Carriera pendant son séjour à Paris en 1720-1721", publié et annoté par Alfred Sensier en 1865).

L’immense succès de la belle chocolatière mit en lumière autant le talent de Liotard que la beauté de la fille du cocher. Le prince von Dietrichstein tomba amoureux et du tableau et du modèle. Il épousa la petite Nandle, prouvant ainsi que l’amour de l’art peut faire naître des contes de fées…

 

Illustrations :

-       Le fameux pastel de Liotard.

-       Panneau devant un restaurant de Weimar (août 2020, photo de l’auteur).

 



 


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